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  semaine 36 : Zébu  

La récolte : zébu, café, vague, cri, long, onglet, buse, et zut, ivrogne, où,
dahut, bosse, soif.
Les confitures

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Petit cours de zoologie

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Quand le zébu bosse il a soif.

Quand le zébu a soif il boit.

S’il se trouve devant une barrique de Boulaouane, on le traite d’ivrogne.

S’il se trouve au bord d’ un oued en crue il boit l’eau de la vague et en remplit sa bosse avec le geste rebelle d’une belle qui range sa mèche. La suite est plus piquante. La buse, qui a soif aussi, plonge sur le zébu, donne un coup d’onglet de sa patte droite sur la partie supérieure de la bosse, boit, reçoit un coup de queue et pousse un cri dit d’orfraie.

Si le zébu arrive au bord d’un oued à sec, il fait demi tour et court dans le prochain café.

Le zébu, fin politique, se met généralement dans le sens du vent et, s’ il exagère, peut devenir un zébu long.

Si seules deux de ses pattes (droites) s’allongent on dit qu’il chahute et on le traite de dahut, on gagne presque une syllabe.

Si seules deux de ses pattes (gauches)  s'allongent on le traite de rosbeef et on le retourne.

L’histoire ne dit pas , ni comment, ni dans quel sens.  

En tout cas l’histoire se termine par « Et zut » et tout le monde voit pourquoi.

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Léon Lagouge

— « Un long cri déchira la nuit… »
— Ah non, ça va cinq minutes, les clichés !
— Quoi, les clichés ?
— “ Un long cri déchira la nuit ” est la phrase de début de 528 romans de gare entre mai 1957 et septembre 1982 ! Sans parler des romans-photos, où cette phrase était un incontournable à chaque épisode. Elle a d'ailleurs été interdite par la Charte des Écrivains en novembre 82, ainsi qu'un certain nombre d'autres clichés que même le public le plus "acro" ne voulait plus lire dans les romans de gare, faute d'avoir l'impression de relire pour la 529ème fois le même roman !
— Pfff… tu me gâches toujours mon plaisir…
— Un écrivain n'écrit pas pour SON plaisir mais pour celui des lecteurs…
— Bon, alors, je commence par quoi ? Dis-moi, toi qui sais tout !
— Ben par la phrase suivante !
— C'est malin, la phrase suivante fait référence précisément à ce long cri…
— Dis voir…
— « Jane sentit son sang se glacer dans ses veines… »
— Et ça continue !
Et zut ! Tu ne veux pas non plus du sang qui se glace dans les veines ? Mais qu'est-ce que je vais pouvoir dire ?
— M'enfin, c'est quoi, ton propos pour ce livre ?
— Euh, en fait c'est l'histoire d'un ivrogne en plein delirium tremens, qui voit des choses qui lui collent un peu la trouille…
— Ben commence par les visions de l'ivrogne, voilà ! C'est pas compliqué, quand même…
— Tu crois ? Ça va faire sauter un chapitre…!
— Si tout le chapitre est du même tonneau, on va pas perdre grand-chose !
— Bon alors… « Jeff était en train de siroter, à la terrasse du café  “ Le Dahut ”, son sixième petit blanc limé de la matinée, quand un zébu traversa la rue devant lui, ce qui l'étonna… »
— Magnifique ! C'est la première fois qu'on commence un roman comme ça ! Si la suite est à la hauteur, tu vas faire un tabac !
— Tu crois ?
— Absolument ! Continue !
— « Quand sur la bosse du zébu vint se poser un oiseau, que, grâce à son plumage clair, Jeff identifia comme une buse variable, il lui vint une vague interrogation : d' venaient donc ces bestiaux ? Un cirque devait s'être installé dans les parages… »
— Il a pas vraiment l'air d'avoir la trouille, ton ivrogne…
— Attends, ça va venir ! « Il ressentit à nouveau la soif dévorante, que le vin blanc n'étanchait pas, mais l'heure avançant il se dit que l'onglet à l'échalote proposé sur l'ardoise du bistrot calmerait au moins sa faim. Se tournant légèrement sur sa chaise, il leva la main pour faire signe au serveur. C'est alors qu'il s'aperçut que la salle du bistrot avait disparu, laissant place à une vaste étendue d'eau où s'ébattaient une douzaine de phoques gris. Il émit un grognement de surprise. Comme un seul homme, les phoques se tournèrent alors vers lui d'un air hostile, retroussant les babines pour montrer leurs dents. Jeff sentit ses cheveux se hérisser sur son crâne, et une lourde boule de plomb chuter à l'intérieur de ses viscères… »

Sagiterra

 

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Etendue sur le dos dans l'eau, les yeux rivés aux bleus des cieux,

tu planches fraîchement. Petit corps posé sur le bleu océan.

Une croix de chair blanche qui s'étanche à la frontière des bleus

entre da et hut

une fragilité suspendue entre un début et une fin certaine, inconnue

A peine une bosse sur la surface

entre deux vagues à l'âme,

revient, et disparaît

que restera-t-il ?

un long cri de silence planté dans le gosier

une intermittence d'absence qui mirage et disparaît

la mémoire d'un tout petit fait

qui s'acharne à perdurer

une navigation par onglet

un imagier en feuilleté

à tout superposer jusqu'à ne plus rien distinguer,

cette fille accoudée au café d'à côté,

un ivrogne affalé sur la chaussée,

zébu trop et pas assez,

la soif d'un breuvage encore à inventer

pour diminuer la distance,

sentir un brin de proximité

tenter de se réchauffer

se prendre une buse et recommencer

se frotter bois et bosses jusqu'aux flammes

jusqu'au drame

jusqu'au cou dans le , quand, quoi final

​

et pourtant au jour J on s'entend murmurer

et zut, déjà arrivé

et pourtant

on venait de si loin, de si long, de si fatigué

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elisabeth celle

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Help! He screamed. I can no longer tolerate this mediocre, comfortable, sane life. Help! Bump in the night, like a drunkard, catching his left small toe on the foot of the bed, for the 7th time, whereupon, wave upon wave of nausea twitched his nozzle dying of thirst.

 

Help! He let himself down his state altered he became afraid the cracks would show. Zebu if only, dahut he wished, but alas, meat and bone, fallible flesh, bread and butter, a mirror was impossible or difficult to see to face.

 

Coffee, grounds of failure, long sleepless nights, not letting the truth get in the way of a good story, or some pity, and heck, the tab, that long list of sins deserving of self flagellation difficult to bear or witness.

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Greg Theodoridis

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