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  semaine 11 : Ruelle  

La récolte : Ruelle, corps, petite, ficelle, réverbère, écrouelles, lueur, liaison, il, taie, truelle, tortueuse, impasse, velours.
Les confitures

Elle finit d'attacher le réverbère avec un bout de ficelle qu'elle s'était refusée à jeter, six mois auparavant, et qu'elle avait précieusement rangé — selon le sacro-saint principe du "On-ne-sait-jamais-ça-peut-servir" — dans le petit tiroir fourre-tout où un amas inextricable de rebus en tout genre attendait philosophiquement de trouver une utilisation. (Grâce à cette sage attitude, elle se trouvait rarement dans une impasse au moment de finaliser ses spectacles !)

Elle drapa d'un morceau de velours ponceau le corps de La-Petite, une marionnette à gaine composée d'une balle de ping-pong, d'une baguette chinoise (récupération d'un repas au restaurant local), de quelques bouts de fil de fer et de laines de couleurs diverses. L'effet était impressionnant, magnifique.

Elle avait l'impression d'être une reine guérissant les écrouelles, ses mains magiques étaient capables de réparer tous les effets des cruelles blessures de la vie de son petit théâtre en carton-pâte.

Le minuscule réverbère, à présent, éclairait d'une lueur guillerette la ruelle figurée sur le décor.

Elle chercha de quoi fabriquer un chapeau à La-Petite, mais le résultat n'était pas à la hauteur, ressemblant plus à une taie d'oreiller qu'à un bibi de la duchesse de Cambridge… Elle remisa l'erreur dans le tiroir, et se concentra sur l'histoire, un peu tortueuse, qu'elle avait imaginée. Il était question d'une grande histoire d'amour, de passions échevelées et autres folies romanesques.

Il ne manquait plus grand-chose pour donner vie à ce petit monde… À la truelle, elle ajouta quelques trahisons, une ou deux liaisons dangereuses, et une fin glorieuse après un passage mélodramatique, et se sentit prête à affronter le public.

Elle rangea le petit peuple de ses poupées dans les étagères figurant les gradins, lança une musique à la John Williams, et commença la représentation. 

 

Sagiterra

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Ruelle obscure.

Le corps de la toute petite enfant abandonné sous le réverbère était enveloppé dans un drap de velours serré par une grosse ficelle. A la base du cou des fistules d’écrouelles brillaient sous la pâle lueur. Était-ce là la conclusion cruelle d’une liaison malheureuse, se demandait-il. Sortant de son sac une taie d’oreiller plus qu’usagée il la nettoya de traces de ciment avec une truelle qui trainait sur le sol, en enveloppa la tête de la malheureuse et traina la dépouille dans l’impasse tortueuse.

 

Léon Lagouge

 

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Sellig Nossam

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Sellig Nossam

Liaison cruelle

 

Ma ruelle part du vieux lavoir et monte jusqu'à la chapelle en passant devant une tonnelle et en contournant le presbytère. Pas un brin d'air frais ne s'échappe du lavoir en contrebas, impossible de deviner sa présence. La tonnelle est à l'angle de la venelle du Ravin. Des bouteilles sont au frais dans l'eau du torrent derrière le café. Le presbytère, à l'ombre du réverbère,bouffe la lumière. Une boutique de farces et attrapes se cache sur la gauche, toute petite, juste avant l'impasse qui se tord, tueuse des corps grimpants. Au fond, une échope montre des marionettes richement vêtues. Pour entrer, il faut écarter les lourds rideaux de velours rouges. Je n'ai jamais osé entrer. Revenir. En longeant la chapelle par la droite, en pleine lumière on peut acheter des truelles de blanc d'espagne. Ce tronçon de ruelle est couvert d'écrouelles. Dans la chapelle, une figurine en papier bouge dans la lueur d'un lucarnon. Elle est suspendue au bout d'une ficelle accrochée dans une toile d’araignée. Il fait gai, on fait le beau et l'escabeau sous la taie se tait.La ruelle est toujours vide quand j'y suis.

 

Eric Bardin

Sellig Nossam

Liaison de velours, cruelles amours

 

Deux petits corps raccords sur une fine ficelle de temps marchent hardiment

vers une probable mort. Un commencement semant semence de fin.

De la relation, de cette invention, de cette illusion ?

La ruelle s'impasse et le nous se ment.

Lueurs, pâleurs, effeuillage sur la taie, confidences susurrées, on se pâme d'extase, on se métastase et déjà sous le velours les écrouelles fistulent le réel.

La truelle assène entre les mots un grossier ciment qui fige les élans.

Le sang se retire. Il pleut du blanc.

Le couple bat sa coulpe, cherche le temps des ombres unies sous les réverbères au halo jauni. Cherche un frémissement d'antan sous la peau muette.

S'entête, cherche et sèchent. Le sable crisse sous les draps, meurtrit la peau

qui s'éreinte sans étreinte.

 

Deux petits corps en désaccord sur une fine ficelle de temps marchent hardiment à l'envers et s'éloignent sans trop savoir comment.

 

elisabeth celle

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