top of page

  semaine 27 : Filage   

La récolte : filage, situation, ahurissant, Kivitasku, théâtre, quenouille, affligé, en douce, égal, envelopper, âge, laine, temps.
Les confitures

  1        

***
— Un quoi, tu dis ? Qui vit casse-cou ??? Qu'est-ce que tu veux dire ? De qui tu parles ?
— Un kivitasku
— Non, excuse-moi, je ne comprends pas ce que tu dis, tu peux parler plus doucement, s'il te plaît ?
— C'est un oiseau ! Un kivitasku.
— Ah bon…
— C'est la même famille que le rouge-gorge, le gorgebleue à miroir, le rouge-queue à front blanc, le tarier des prés… Tout ça…
— Aaaaah… je vois… ouiouioui… et il a pas un nom un peu plus… comment dire… commun ?
— Si : le traquet motteux.
— Ah ben oui, tout de suite, ça sonne plus familier… Donc, si je comprends bien, tu souhaites nous faire jouer — au théâtre — une pièce qui parle d'un petit oiseau qui s'appelle le casse-cou, et qui…
— Non, kivitasku !
— D'accord ! et donc ce petit oiseau est dans une situation ahurissante, victime d'un filage en douce par un détective privé psychopathe et pervers…
— Pas un filage, une filature…
— Oui, pardon, c'est à cause du théâtre, j'amalgame un peu mais je me comprends. Donc en fait, le petit oiseau est une fée qui cherche à aider une princesse d'un âge indéterminé, mais enfermée dans une tour, où elle doit filer (encore !) avec sa quenouille une quantité invraisemblable de laine dans un temps beaucoup trop court pour ce faire.
— C'est un peu acrobatique, comme résumé, mais on peut dire ça comme ça.
— Merci ! Et donc, le petit oiseau est très affligé de la situation de la pauvre princesse — qui, en fait, est sa filleule, bien entendu — et pour l'aider à s'évader, il va l'envelopper dans cet énorme paquet de laine pour la faire sortir de la tour, tout en évitant de se faire coincer par le détective, celui-ci étant payé par un ennemi de la princesse.
— Voilà, on peut dire que tu as saisi l'intrigue…
— C'est pas un peu capilotracté comme histoire ?
— Qu'est-ce que tu entends par là ?
— Tiré par les cheveux…
— Non, pourquoi ? C'est du théâtre…
— …?
— Tu veux émettre une objection ?
— Non, non…
— De toute façon, ça m'est égal que tu n'aimes pas, je veux que ma pièce soit jouée au théâtre, et elle le sera !
— (Soupir) Y'a que la foi qui sauve…
— Pfff… toi, quand un truc te plaît pas, t'es vraiment médisante !
— Médisante, moi ? Réaliste, tu veux dire ?

​

Sagiterra

  2       

Sellig Nossam

Festival d’Avignon

Off

Cour d’honneur

Titre : Con fit Tür

Traduction : Le con prend la porte

 

Kivitasku (dit K1), rencontre Kivivraverra (dit K2 alias Abel )

un soir au coin du bois.

 

K1 (l’air affligé)

« Dans quelle situation ahurissante t’ es-tu mis,

cher ami,

Tu inventes un vrai théâtre

Pour justifier auprès de madame Kiwi, notre mère à tous, ton retard de quelques niquedouilles.

Elle va encore te traiter de quenouille.

Ouille ! »

 

K2 ( en douce)

« Tes propos me sont bien égal

(remarquez l’impropriété)

(on entend un coup de trompette pour souligner justement l’impropriété et réveiller le spectateur)

« Quand l’âge t'a rendu si enveloppé ».

(fine allusion au fameux adage « on t’en veut Lop ? »)

« Achève le filage… »

(on y vient )

« …de ta laine,

laisse le temps au temps et l’haleine sans la haine »  

(Hommage décalé au Roc Art, Traduction : Tu pues)

R I D E A U

Les treize spectateurs filent avant que le rideau ne leur tombe dessus.

 

F   I    N

​

Léon Lagouge

Pièce sonore : Filage par Pascal Schaeffer

FILAGE - PASCAL SCHAEFFER
00:00 / 00:00

Voici venu ma mie le temps béni

voici venu ma mie le temps pourri

voici voici l'ère des si

qui continue, contes tenus

le filage des âges

qui se prennent au sérieux

qui pensent qu'ils font mieux

des si qui se méprennent

des si qui tout nous prennent

et se sentent si vrais

théâtre du réel

qui nous coupe l'accès

​

Mais c'est égal

tous se repaissent

après la messe

à la bourse et à l'église

des si du moment

si l'argent et la propriété...

si le dogme et la croyance...

si la carotte et le bâton...

ahurissante situation

qui nous fait miroiter

que demain toujours demain

 

la quenouille à la main,

file le tant

le trop

j'achète, je jette, rachète,

m'entête à consommer

cons sommés de continuer

à hacheter la vie en pièces

fausse monnaie

de tristes singes

qui s'enveloppent d'objets jusqu'à en étouffer

saouls de poussière accumulée

 

file la laine de haine

pour l'autre, l'étrange étranger

celui qui dérange

un rêve éveillé

rêve d'ordre et de fixité

où tout demeure, perdure, se tait

affligeants affligés

qui laissent filer en douce

à chaque haine un peu d'humanité

 

le kivitasku a fini de chanter

le cou brisé sur la poche de pierre

le cœur percé par la rapière

il se tait, on l'enterre

et avec lui, un monde disparaît.

​

elisabeth

​

​

​

  3       

  4       

bottom of page