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  semaine 20 : Hermétique   

La récolte : Hermétique, imperméable, Aphrodite, herméneutique, Marcel Amont, macarons, vermoulus, Hermès, asphalte, moustiquaire, caisson, trépied.
Les confitures

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Ma préoccupation du jour : l’initiation et ses conséquences. J’ai réalisé hier, en assistant à la célébration « Sacrée Femme »,  que s’initier ça voulait dire rompre, couper, trancher les liens vermoulus avec nos mère et père. Devenir une femme, c’est quitter le caisson familial et intégrer fièrement sa communauté, la société, son époque vivante. Passage radical d’un état à un autre, salué par tous, nourrissant chacun.

Dans les temps antiques, l’initiation pour les femmes et les hommes étaient un rite citoyen. Aphrodite, du haut de son trépied,  initiait les femmes à l’Amour et les hommes suivaient Hermès dans ses secrets hermétiques. A l’abri de légères moustiquaires, au cœur de la nuit sans lune, les dieux enseignaient alors directement l’humanité. Nul besoin d’herméneutique. Il ne serait venu à l’idée de personne de suivre Marcel Amont, en imperméable, foulant l’asphalte et croquant des macarons.

 

Florence Durand

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— Marcel ! Met le caisson sur le trépied !
Marcel se fige sur place…
— Le caisson sur le trépied ? Mais pourquoi ?
— T'occupe, fais ce que je te dis !
Marcel met le caisson sur le trépied, tant bien que mal, parce qu'un caisson, c'est rectangulaire et un trépied, comme le nom l'indique, c'est triangulaire. C'est un peu une autre vision de la quadrature du cercle, hein…
— Ah zut, le trépied l'était vermoulusse, il s'a écroulé !
— On dit pas "vermoulusse" mais "vermoulu" et on dit pas "il s'a écroulé" mais "il s'est écroulé" ! QUOIIIIIIIIII ??? Le trépied s'est écroulé ???
— Ben oui, c'est ce que j'ai dit !
— Mais comment ça se fait ?
— Ben, je t'ai dit, y'était vermoulu !
— Un trépied en métal ? Vermoulu ?
— Ben non, un trépied en bois, chuis pas stupide, le métal ça se vermoule pas…
— Mais où t'as trouvé un trépied en bois, bougre de cochon ? Le trépied en métal il est devant ton nez dans le garage !!!
— Mais chuis pas dans le garage, chuis dans la véranda !
— Mais comment t'as fait pour mettre le caisson qui était dans le garage sur le trépied en bois qui était dans la véranda ?
— Ben j'ai pris le caisson et je l'a porté dans la véranda !
— On dit pas "je l'a porté" mais "je l'ai porté" ! Mais qu'est-ce qui t'a pris de porter le caisson dans la véranda alors que le trépied en métal était dans le garage ?
— Pfff… tu râles toujours !
Marcel Amont, tu m'énerves ! Si j'avais pas le plus grand respect pour ton illustre homonyme, je te mettrais mon pied quelque part !
— Si t'arrêtes pas de me traiter d'homonyme, je vais plus faire tes caprices, Germaine Amont !
Et la dispute continue comme ça, pendant pas mal de temps.
Éloignons-nous discrètement, d'autres questions nous appelant ailleurs…
*
Non loin du jardin des Amont, un homme en imperméable couleur mastic s'avance sur l'asphalte, porteur d'une boîte mystérieuse.
Ne prolongeons pas davantage le suspens : dans cette boîte se trouve une douzaine de macarons. Mais attention, PAS N'IMPORTE QUELS macarons ! Des macarons de chez Lalongé, le célébrissime "CHEF", le Trésor-Vivant de la Pâtisserie de haut-vol ! L'Hermès de la jet-set parisienne. Pourquoi l'Hermès, me direz-vous ? Parce qu'Hermès est le dieu des commerçants (pour la boutique de la pâtisserie), des voyageurs (pour les idées transnationales incroyablement innovantes), et aussi… des voleurs (pour le prix qu'on exige pour un bidule de

5 cm2 qui a bien dû coûter 30 centimes à la fabrication sans compter le non-salaire de l'apprenti qui l'a réalisé sous l'œil impitoyable du Maître).
*
Mais revenons à notre homme en imper mastic.
Il s'arrête devant une élégante villa — datant visiblement de la fin du XIXème siècle, vestige d'une fortune depuis disparue — et tire le cordon qui sert de sonnette, suite à quoi une clochette fait entendre un timbre aigrelet.
Au premier étage de la villa, une silhouette se profile derrière la moustiquaire d'une fenêtre, puis disparaît.
Quelques minutes plus tard, la porte de la villa s'ouvre, laissant apparaître une jeune femme dont les formes généreuses suggèrent une véritable Aphrodite aux yeux du visiteur. Celui-ci, un instant saisi d'admiration, avale sa salive pour reprendre ses esprits, attendant la question dont on l'a averti, et préparant sa réponse sous forme de mot de passe.
— Que me vaut votre visite ? interroge l'apparition sur un ton chantant.
— L'herméneutique hermétique d'Hermès trismégiste !
L'Aphrodite sourit énigmatiquement, tend la main, prend la boîte, et rentre sans autre forme de procès dans la villa, claquant la porte derrière elle, et laissant l'homme, perplexe et sans voix sur l'allée.
*
Plus tard, dans la soirée, Germaine et Marcel célèbreront au champagne et aux macarons Lalongé le contrat de vente de la villa XIXème, héritage encombrant d'un lointain cousin décédé ultra-centenaire et sans descendance.
— T'aurais quand même pu l'inviter, le pauvre, dit Marcel, en parlant du messager.
— Attends, c'est pas lui qui les a payés, les macarons !

Sagiterra

 

Hermétique - Pascal Schaeffer
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Pièce sonore : l'hermétique de Pascal Schaeffer

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Comment à la fête à Neuneu un caisson hermétique aux cotés vermoulus devint herméneutique comme une Bible ordinaire.
Sous son imperméable mastic Marcel Amont  dissimulait l’arme et son trépied dans une longue boite rectangulaire.  Il tombait une pluie froide. Le couple Aphrodite et Hermès se devinait à peine dans le crachin. Une ombre, le chapeau sur les yeux, collait à la statue. Marcel piqua un sprint. Quand il parvint à la hauteur du malfrat il pivota d’un quart de tour, envoyant le caisson dans la poitrine de l’individu. Ce dernier vacilla, essaya de se rattraper à la rambarde et plongea dans le fleuve sans un cri.
Le  couvercle de la  boite s’était déboité, quelques macarons roulèrent sur l’asphalte. Marcel saisit un moustiquaire dans sa poche droite, réemballa l’ensemble tout en courant et disparut dans la nuit .
 
Léon Lagouge
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C'était écrit à la porte de leurs fronts :

 

Baisser la moustiquaire.

Filtrer l'air du dehors.

Laisser las le messager

s'époumoner à la porte.

Fermer les écoutilles

 

       – ils ne voulaient pas savoir.

 

Ne pas sortir de ses gonds.

Retenir son souffle.

Nier l'aval, nier l'amont.

Ne pas faire de vagues

Et filer bien rond dans son caisson

 

       – ils ne voulaient pas se voir.

 

Ils demeuraient

nombreux nombrils

monades immobiles

à l'abri de leur adresse

et du monde             

 

        – qu'ils ne voulaient pas voir.

 

Ne les reliaient plus

qu'une longue langue d'asphalte désertée

veine cave de la ville abandonnée

dont le vieil Hermès seul de sa foulée

marquait encore le pouls comme un rat affolé  :

 

        – pourvu-que-passe-un-homme

        – pourvu-que-passe-un-homme

        – pourvu-que-passe-un-homme

 

        – de son message jamais il ne serait délivré. Pas moyen de vider son sac.

 

Tous ils demeuraient murés repliés rapetissés

en d'hermétiques refuges,

fantasmes bulles, nids perchés sur trépieds,

macarons clos où couler son moi,

garder son sur et ranger son ça.

 

Et ça, Marcel n'en pouvait plus.

Il lui fallait un Tu.

Alors il se mit en tête

de passer OUTRE.

Outre masure, outre les murs,

outre l'amer de la tune et du temps perdus seul et sans sel.

 

Assoiffé de démesure et d'horizon,

il jeta tout de go ses mots dans la nacelle de son chant,

et fit vibrer sa voix à l'assaut du gris, à la rencontre d'un regard,

à la conquête d'un écho…

 

Rien n'y fit.

 

Sourds à tout discours,

imperméables à toute herméneutique,

tous étaient hermétiques

même,

au bruissement

de la langue.

 

Ignorant tout méandre

avalant scolopendres

dévorés de l'intérieur

 

pourvu que R I E N  

 

        – une apnée sans Aphrodite, à peine l'écume de jours vermoulus.

 

Une vie à vomir dans l'urinoir, se disait Marcel.

Un silence de glace qu'il rêvait de voir brisé.

 

En boucle en lui le chant des sirènes, le rêve nacré

de trouver celle qui saurait lui parler

et l'emporter

vers un vide à venir.

 

Trouver sa voie. Couper le cordon.

Lever l'ancre, tomber l'armure, avancer nu et ne plus la boucler.

Il se sentait de taille à se détacher.

Restait à trouver la faille…

 

Marcel trouverait-il la clé des champs ?

Hermès pourrait-il poser bagage ?

 

Marina Chojnowska

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Hermès sans son S

 

Hermé tique devant le ton imper mais able d'Aphrodite. Elle aspire chaque nuit son S et lui vole sons pluriels. Le voilà nu, silencieux, singulier. Masculin féminin. Aphrodité.

En début de nuit, il se réduit et redevient ego, et gosse gavé de macarons qui l'étiquettent, l'enlisent, tissent une fine pellicule entre la vie et lui.

Aphrodite se glisse alors sous la moustiquaire et le déglace en présence, le déplace au présent. Elle souffle sur ses messes un air si frais qu'elle se fraie

un frêle passage jusqu'à son est.

Au petit matin ils se retrouvent un, indivisés, indivisibles et augmentés. Ils s'expandent infinis, infiniment firmament, s'étoilent, orbitent et se répandent en poussières de lumière sur la peau des amants. De ceux qui cherchent à se taire pour estomper des failles meurtrières, enjamber de vieilles ornières et galoper vers doux vertes clairières.

 

Hermé ne tique plus devant le ton marre de celle à mont et à vaux qui gambade devant lui, son S en étendard. «  Vé Hermé ! Peuchère sans son S ». Elle le déplace en ironie. Il s'asphalte de tout son blond, désacralisé pour de bon.

​

Debout sur un vieux caisson, il tente de redorer son blason devant une foule hilare. Il secoue par habitude les restes vermoulus de ceux qu'il croyait être.

Vestiges vertiges, très pied de nez. Il rit à gorge dépliée.

Distance comique de soi à eux.

D'humour amour, Aphrodite lui souffle son S à plein poumons car elle sait que ça y est il y est.

Tout aéré du dedans, il se recommence au présent et se devient coSmique. Ici et là à la fois. Relieur reliant, yin ayant.

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Hermaphrodite.

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elisabeth celle

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Dans ta Boîte obscure close fermée de promesse, hermétique, je te cherche et tu disparais me laissant dans la soif une fois au miroir.

La fermeture me fait chercher les portes et les clefs ferment les cadenas des chaines,

la  chose à deviner obscurcit l’aurore, l’arbre cache la foret je m’épuise à l’énigme et je me dilue dans la solution. Je suis las et m’absente.

l’enfant reçoit le premier prix d’interprétation des connaissances, la couronne du royaume à venir, l’auréole de l’herméneutique du chaos des signes dans l'argile du manteau deperlant, la bénédiction de l’or en l’éther mais il cherche dans le mélange et l’apparition un baiser d’amour candide et violent de couleur et de chaleur.

Une révélation qui permette à la lumière de l'ensemble de faire parler les signes de pluie, les écrits d’odeurs et le chant des possibles.

De découvrir en levant le voile, d’embrasser les mers, d’envoler les terres,  de muter les opérations chimiques, de graver des textes en vers dans le bois dont on fait les flûtes et que l’on touche pour inverser le mauvais sort.

xylèmes de l’amour au bois vermoulu des présences. Amis de pan, fils et filles  d’adultère et d’Aphrodite, d’Harmonie. 

Le sang s’est répandu sur les véhicules et malgré ou grâce au rouge, comprenons nous bien, en l’effet de beauté sublime de transmutation positive de la négation, le blanc des impers est de sucre. 

il promet l’hors noir par un miel d’abeille qui invente le don de l’extraction du  marasme.

Circumambulation des récipients  autour des récipients.

hermétiques en tous sens mais ouverts à tous les sens

une huître à la perle, une joie de l’infini réponse à l’impossible à comprendre, le coffre du chat de Schrödinger, la boite du mouton du petit prince, le vide de la ka’aba ou la plénitude de son doube, l’ésotérique de l’œuf sans expression, les yeux de ta promesse qui pleurent les larmes de nos séparations.

...rien ne se lasse de se laisser traverser par le fluide.

l'eau étanche la soif, le liquide altérant et désaltérant, irrigue et nourrit, s’immisce et donne vie à la pénétration des humeurs en voyage.

la langue mouillée parle l’or de nos sommeils à venir et les délicatesses forcées de s’écouler, sauvées des enfers du vécu les retenant et du mort les abîmant.

Difficile à saisir, à fixer, à apprécier, les moustiques waterproof ne se laissent pas atteindre et peuplent de malaria de mal être le marais  de notre monde, nous nous y figeons en lointains leurrés, apeurés et pleurés absolument étrangers

de pâte.

ni liquide ni solide ni épaisse ni légère,

à peines évoqués mais lourds comme des faux rochers de béton armés jusqu’au dedans. 

j’ai vu un parallèle où deux beaux enfants des deux sexes découvrent le monde par le seul livre référent à la vie qui est une biographie de Marcel Amont retrouvé dans un sachet clos dans la glace,

devenu par défaut prophète suite à un autodafé. 

Je ne sais pas pourquoi ça me rend triste. 

un visage sec, imperméable, de forme ronde Impénétrable, la fille est sombre, les nattes de cheveux roulées sur l'oreille en macarons comme des capteurs d’un son éteint, le garçon la regarde muet, sur un trépied désacralisé.

 

Hermès, roi des filous, prince des anars et des poètes, voyou voyant, messager des dieux de l’arnaque facétieuse, receleur des imaginations de mon cœur malmené par le désir restreint au compartiment creux orné des moulures de devenir, 

se fait sauter le caisson sensoriel, 

s’amplifie de graves et de basses dans l’aigu de l’acuité,  

remonte sans paliers de décompression dans le plein d'air des travaux de plongée sous l'eau des profondeurs.

Il revient des profondes heures en sous venir, derrière le moustiquaire dont on entoure les lits pour se préserver, 

derrière le rideau de gaze ou de mousseline du tissus de mon sommeil, sur l’asphalte naturel et noir du trottoir de ma ville révée dans les débris des bruits des nuits , sur le châssis de la toile de mon désespoir maculé, sur le gravé au métal coupant et brillant de mon  obstination, il trafique dans les transports des munitions, des armes, des qu’il faut nettoyer souvent pour le plaisir,  il partage des vivres et garde des mourir.  racaille de diamants.

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Sellig Nossam

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